La procédure de divorce en France a connu une transformation significative avec la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Cette évolution législative a profondément modifié le divorce par consentement mutuel, également appelé divorce à l'amiable, en introduisant une nouvelle procédure sans passage devant le juge. Cet article vous présente les tenants et aboutissants de cette réforme, ses implications pratiques et les critères déterminant le recours ou non à un juge.
Une réforme visant à simplifier et désengorger les tribunaux
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) avait pour objectif principal de fluidifier le fonctionnement judiciaire en France. Dans ce cadre, la réforme du divorce par consentement mutuel répondait à deux enjeux majeurs :
1. Alléger la charge des tribunaux aux affaires familiales, souvent engorgés par des procédures où l'intervention du juge n'était pas toujours indispensable.
2. Accélérer les procédures de divorce lorsque les époux s'accordent sur tous les aspects de leur séparation, réduisant ainsi les délais d'attente et le stress associé.
Le législateur a ainsi instauré un divorce par consentement mutuel déjudiciarisé, tout en maintenant l'obligation de recourir à un juge dans certaines situations spécifiques.
Le divorce par consentement mutuel sans juge : procédure et particularités
Une procédure contractuelle encadrée
Le divorce sans juge, également appelé divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, repose sur un accord complet entre les époux. Cette procédure présente plusieurs caractéristiques essentielles :
- Représentation obligatoire par deux avocats : chaque époux doit être assisté par son propre avocat, contrairement à l'ancienne procédure où un avocat commun était possible.
- Élaboration d'une convention réglant l'ensemble des effets du divorce (partage des biens, résidence des enfants, pensions alimentaires, prestation compensatoire, etc.).
- Enregistrement par un notaire : la convention signée par les époux et leurs avocats doit être déposée au rang des minutes d'un notaire, qui lui confère date certaine et force exécutoire.
Déroulement chronologique de la procédure
- Consultation individuelle des avocats par chacun des époux.
- Rédaction de la convention de divorce par les avocats, après négociation des termes entre les parties.
- Information écrite aux enfants mineurs capables de discernement concernant leur droit d'être entendus par un juge.
- Délai de réflexion de 15 jours après réception du projet de convention.
- Signature de la convention par les époux et leurs avocats.
- Dépôt chez le notaire dans un délai maximum de 7 jours suivant la signature.
- Enregistrement par le notaire, qui vérifie les conditions formelles sans contrôler le fond de la convention.
- Dissolution du mariage à la date de l'enregistrement notarial.
Avantages de la procédure sans juge
- Gain de temps considérable : la procédure peut être finalisée en quelques semaines contre plusieurs mois auparavant.
- Confidentialité renforcée : absence d'audience publique.
- Maîtrise du calendrier par les parties, sans dépendre des délais d'audiencement du tribunal.
- Flexibilité dans la négociation des termes de la convention.
Les cas où le recours au juge reste obligatoire
Malgré cette réforme majeure, le législateur a maintenu l'intervention judiciaire dans trois situations spécifiques, même en cas d'accord total entre les époux :
1. Présence d'un enfant mineur demandant à être entendu
Si un enfant mineur, informé de son droit d'être entendu, souhaite exercer cette faculté, les époux doivent obligatoirement recourir à la procédure judiciaire. Cette disposition vise à protéger l'intérêt supérieur de l'enfant en lui permettant d'exprimer son point de vue.
2. Époux sous protection juridique
Lorsqu'un des conjoints fait l'objet d'une mesure de protection juridique (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice), le passage devant le juge reste obligatoire. Cette exigence s'explique par la vulnérabilité potentielle du conjoint protégé et la nécessité de s'assurer que ses intérêts sont préservés.
3. Époux de nationalité étrangère et enjeux internationaux
Dans certaines situations impliquant un élément d'extranéité (époux de nationalité étrangère, résidence à l'étranger, biens situés hors de France), le divorce par consentement mutuel sans juge peut parfois poser des difficultés de reconnaissance internationale. Si la convention risque de ne pas être reconnue dans un pays étranger concerné, le recours au juge peut s'avérer préférable.
Comparatif des deux procédures : avec ou sans juge
Aspect | Divorce avec juge | Divorce sans juge |
---|---|---|
Délai moyen | 3 à 6 mois | 1 à 2 mois |
Coût | Frais d'avocat + droit de plaidoirie | Frais de deux avocats + émolument du notaire |
Nombre d'avocats | Possibilité d'un seul avocat | Deux avocats obligatoires |
Contrôle du fond | Par le juge | Limité (avocats et notaire) |
Force exécutoire | Par jugement | Par dépôt notarial |
Reconnaissance internationale | Généralement assurée | Parfois problématique |
Les évolutions post-réforme : bilan et ajustements
Depuis 2017, la procédure de divorce par consentement mutuel sans juge s'est largement imposée dans le paysage juridique français. Selon les statistiques du ministère de la Justice, environ 70% des divorces par consentement mutuel se déroulent désormais sans intervention judiciaire.
Plusieurs ajustements ont été apportés pour améliorer le dispositif :
- La loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice a clarifié certains aspects procéduraux.
- Des conventions-types ont été élaborées par les instances professionnelles pour faciliter le travail des avocats et harmoniser les pratiques.
- Des protocoles de collaboration entre avocats et notaires ont été mis en place dans plusieurs juridictions.
Conclusion : choisir la procédure adaptée à sa situation
La réforme de 2017 a indéniablement simplifié et accéléré les procédures de divorce par consentement mutuel pour de nombreux couples. Toutefois, le choix entre les deux types de procédure doit s'effectuer en fonction des spécificités de chaque situation familiale.
Les époux souhaitant divorcer par consentement mutuel ont tout intérêt à consulter un avocat spécialisé en droit de la famille qui pourra les orienter vers la procédure la plus adaptée à leur situation personnelle et patrimoniale. Cette consultation préalable permettra d'identifier d'éventuels obstacles à la procédure déjudiciarisée et de préparer efficacement le dossier.
Dans tous les cas, il convient de rappeler que la qualité de la convention de divorce reste l'élément fondamental, quelle que soit la procédure choisie. Une convention claire, équilibrée et prévoyant l'ensemble des conséquences du divorce constitue le meilleur gage d'une séparation apaisée et d'une transition réussie vers une nouvelle étape de vie.
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